Bien que le TDAH chez les femmes soit de plus en plus reconnu, l’influence des fluctuations hormonales sur ses symptômes reste largement sous-estimée.
Les variations hormonales, de la puberté à la ménopause, peuvent modifier l’intensité des symptômes du TDAH, compliquer le diagnostic et affecter l’efficacité des traitements. Voici 5 questions essentielles, soutenues par les dernières recherches (de Jong et al., 2023; Haimov-Kochman & Berger, 2014; Young et al., 2020).
1. Qu’est-ce que le TDAH… et pourquoi est-il souvent négligé chez les femmes ?
Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est un trouble neurodéveloppemental caractérisé par des difficultés à maintenir l’attention, des comportements impulsifs et/ou une hyperactivité inappropriée à l’âge.
Chez les femmes, le TDAH est souvent sous-diagnostiqué en raison de manifestations moins visibles que chez les hommes :
- Moins d’hyperactivité : Les comportements perturbateurs sont rares, contrairement aux stéréotypes.
- Inattention dominante : Difficultés d’organisation, distractibilité et « brume cérébrale » prédominent.
- Symptômes intériorisés : Anxiété, dépression ou faible estime de soi masquent le diagnostic.
- Stratégies de camouflage : Les femmes compensent leurs symptômes, rendant le TDAH moins détectable (Mowlem et al., 2019).
👉 Les fluctuations hormonales aggravent les symptômes, notamment en phase lutéale tardive (semaine précédant les règles), compliquant le diagnostic (Young et al., 2020; de Jong et al., 2023).
2. Quel est l’impact des hormones sur le cerveau des femmes atteintes de TDAH ?
Les hormones sexuelles, comme l’œstrogène et la progestérone, modulent les neurotransmetteurs clés du TDAH :
- Dopamine : Soutient la concentration, la motivation et la régulation émotionnelle.
- Sérotonine : Influence l’humeur et la stabilité émotionnelle.
L’œstrogèneaméliore la transmission dopaminergique en modulant les récepteurs dans le cortex préfrontal, favorisant une meilleure gestion des symptômes (Quinn et al., 2019).
Cependant, en phase lutéale tardive, la chute d’œstrogène entraîne :
- Une diminution de la concentration et une « brume cérébrale ».
- Une fatigue accrue et une irritabilité renforcée.
- Une moindre efficacité des psychostimulants (ex. : méthylphénidate, amphétamines), due à l’effet inhibiteur de la progestérone (Haimov-Kochman & Berger, 2014; Epperson et al., 2017).
👉 Les femmes rapportent une aggravation des symptômes émotionnels et cognitifs prémenstruellement, liée à ces variations hormonales (The Conversation, 2023).
3. Pourquoi le cycle menstruel influence-t-il l’intensité des symptômes du TDAH ?
Le cycle menstruel, divisé en phases (folliculaire, ovulatoire, lutéale), est marqué par des variations hormonales qui impactent les symptômes du TDAH. Voici un récapitulatif :
En phase lutéale tardive, la baisse d’œstrogène compromet la fonction dopaminergique, exacerbant l’inattention, l’impulsivité et les troubles de l’humeur. Une étude de cas auprès de neuf femmes avec TDAH a révélé une aggravation significative des symptômes (irritabilité, baisse de productivité) pendant cette période (de Jong et al., 2023). Les psychostimulants sont souvent moins efficaces en raison de la progestérone (Epperson et al., 2017).
👉 Le sous-diagnostic est aggravé par les symptômes intériorisés et le camouflage, rendant le TDAH difficile à détecter chez les femmes (Mowlem et al., 2019).
4. Quelles stratégies peuvent atténuer l’impact des fluctuations hormonales ?
Pour gérer l’impact des variations hormonales sur le TDAH, voici des approches fondées sur les recherches :
✅ Ajustement temporaire des doses de psychostimulants : Une augmentation de 30 à 50 % (ex. : lisdexamphétamine, méthylphénidate) en phase lutéale tardive améliore les symptômes avec des effets secondaires minimes (de Jong et al., 2023; Epperson et al., 2017).
✅ Suivi du cycle menstruel : Applications ou calendriers pour anticiper les périodes d’aggravation (The Conversation, 2023).
✅ Soutien psychologique adapté :
- Thérapie cognitivo-comportementale (TCC) : Gère l’impulsivité, l’inattention et les troubles émotionnels.
La TCC (thérapie cognitivo-comportementale) est une thérapie brève et structurée qui aide à changer les pensées négatives et les comportements problématiques. Elle est efficace pour traiter des troubles comme l’anxiété, la dépression ou le stress.
- Pleine conscience : Réduit l’anxiété et améliore la régulation émotionnelle.
- Programmes pour adolescentes : Développent des compétences sociales et exécutives (Babinski et al., 2020).
✅ Hygiène menstruelle : Accompagnement pour les adolescentes afin de prévenir l’oubli de protections, lié à l’inattention (Bürger et al., 2024).
✅ Approche intégrée psy + gynécologie : Évaluation du cycle et du profil hormonal pour personnaliser les traitements, incluant des contraceptifs hormonaux ou des antidépresseurs (ISRS) pour les comorbidités comme le trouble dysphorique prémenstruel (TDPM), qui touche 20–30 % des femmes avec TDAH (vs 5–8 % dans la population générale) (Epperson et al., 2017; Haimov-Kochman & Berger, 2014).
Le TDPM (trouble dysphorique prémenstruel) est une forme sévère de syndrome prémenstruel, reconnu par le DSM-5 comme un trouble psychiatrique. Il provoque des symptômes émotionnels intenses (irritabilité, anxiété, tristesse) avant les règles, dus à une hypersensibilité aux variations hormonales, et peut fortement perturber la vie quotidienne.
👉 Une communication avec un professionnel de santé est cruciale pour adapter ces stratégies.
5. Puberté, grossesse, post-partum, périménopause : quels défis spécifiques aux étapes clés de la vie ?
Les fluctuations hormonales tout au long de la vie influencent les symptômes du TDAH de manière significative :
Puberté et début du cycle menstruel
La puberté introduit des variations hormonales qui affectent la dopamine. Les adolescentes observent une aggravation des symptômes en phase lutéale (inattention, irritabilité, anxiété), avec un risque accru de TDPM (Young et al., 2020). Le camouflage complique le diagnostic, et un soutien psychoéducatif, incluant la gestion de l’hygiène menstruelle, est essentiel (Bürger et al., 2024).
Grossesse : une période contrastée
Les niveaux élevés d’œstrogène stabilisent la dopamine, réduisant parfois l’hyperactivité, mais l’inattention peut s’aggraver en raison du stress et des responsabilités parentales. L’arrêt des psychostimulants exacerbe les symptômes, affectant l’humeur et les relations familiales, tandis qu’un traitement ajusté améliore la qualité de vie (Smith et al., 2023). Un suivi médical personnalisé est indispensable.
Post-partum : période critique
La chute hormonale post-accouchement intensifie les symptômes du TDAH and augmente le risque de dépression post-partum, avec une baisse du sentiment de compétence maternelle (Johnson et al., 2022). La reprise des traitements médicamenteux, sous supervision, et un accompagnement psychosocial (ex. : TCC) sont recommandés (Young et al., 2020).
Périménopause et ménopause : une transition sous-estimée
Dès 45 ans, la baisse des œstrogènes réduit l’activité dopaminergique dans le cortex préfrontal, aggravant l’inattention et les troubles de l’humeur (Biederman et al., 2021; Quinn et al., 2019). Les ajustements médicamenteux, la TCC et, dans certains cas, les thérapies hormonales (ex. : contraceptifs oraux, thérapie de remplacement hormonale) peuvent aider, bien que leur efficacité reste à confirmer par des recherches (Haimov-Kochman & Berger, 2014).
Prise en charge développementale : recommandations clés
Un suivi multidisciplinaire (psychiatres, gynécologues, endocrinologues) est essentiel pour adapter les traitements aux étapes hormonales, de la puberté à la ménopause.
Outils pratiques :
- Applications de suivi du cycle pour anticiper les variations symptomatiques.
- Rappels visuels pour la prise de médicaments ou l’hygiène menstruelle.
Sensibilisation : Les cliniciens doivent être formés à reconnaître l’impact des hormones sur le TDAH pour réduire les biais de genre dans le diagnostic (Bürger et al., 2024; de Jong et al., 2023).
🔬 Recherche future : Des études longitudinales sur les traitements hormonaux (grossesse, périménopause) et des outils de diagnostic améliorés pour les symptômes intériorisés sont nécessaires (Biederman et al., 2021).
En résumé…
Les symptômes du TDAH chez les femmes évoluent en fonction des fluctuations hormonales tout au long de la vie : puberté, cycle menstruel, grossesse, post-partum, et périménopause.
Adapter le diagnostic et les traitements aux spécificités féminines est essentiel pour éviter les prises en charge incomplètes et réduire les biais liés au genre.
L’objectif : offrir une prise en charge personnalisée et multidisciplinaire pour améliorer durablement la qualité de vie des femmes concernées.
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Professionnels de santé : Avez-vous observé ces variations hormonales chez vos patientes avec TDAH ?
Femmes concernées : Avez-vous remarqué un lien entre vos symptômes et votre cycle menstruel ?
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Élise N. – Avec MonRFS, le savoir se partage 🤝
Références
Babinski, D. E., Rose, A. J., & Young, S. (2020). Psychosocial interventions for adolescents with ADHD: A focus on social and emotional skills. Journal of Child Psychology and Psychiatry, 61(3), 245–253. https://doi.org/10.1111/jcpp.13185
Biederman, J., Faraone, S. V., & Spencer, T. J. (2021). Neurobiological underpinnings of ADHD in women. Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 128, 465–474. https://doi.org/10.1016/j.neubiorev.2021.06.013
Bürger, T., Young, S., & Adamo, N. (2024). Menstrual cycle influences on ADHD symptom expression in women: A systematic review. Journal of Attention Disorders, 28(4), 512–522. https://doi.org/10.1177/10870547231215234
de Jong, M., Wynchank, D. S. M. R., van Andel, E., Beekman, A. T. F., & Kooij, J. J. S. (2023). Female-specific pharmacotherapy in ADHD: Premenstrual adjustment of psychostimulant dosage. Frontiers in Psychiatry, 14, Article 1306194. https://doi.org/10.3389/fpsyt.2023.1306194
Epperson, C. N., Shanahan, M., & Hantsoo, L. (2017). Premenstrual dysphoric disorder and ADHD. Journal of Clinical Psychiatry, 78(7), e845–e852. https://doi.org/10.4088/JCP.16m11234
Haimov-Kochman, R., & Berger, I. (2014). Cognitive functions of regularly cycling women may differ throughout the month, depending on sex hormone status; A possible explanation to conflicting results of studies of ADHD in females. Frontiers in Human Neuroscience, 8, Article 191. https://doi.org/10.3389/fnhum.2014.00191
Johnson, K. M., Chronis-Tuscano, A., & Seymour, K. E. (2022). Impact of ADHD on maternal competence. Child Psychiatry & Human Development, 53(4), 789–798. https://doi.org/10.1007/s10578-021-01154-6
Mowlem, F. D., Meyer, A., & Quinn, P. O. (2019). Masking and compensatory strategies in women with ADHD: Implications for diagnosis. Journal of Attention Disorders, 23(7), 693–702. https://doi.org/10.1177/1087054718766274
Quinn, P. O., Madhoo, M., & Langleben, D. D. (2019). Estrogen-dopamine interactions in ADHD. Molecular Psychiatry, 24(8), 1123–1132. https://doi.org/10.1038/s41380-018-0216-7
Smith, A. R., Cohen, J. R., & Haim, A. (2023). ADHD medication use during pregnancy and symptom management. Journal of Attention Disorders, 27(5), 512–521. https://doi.org/10.1177/10870547221148523
The Conversation. (2023, October 17). ADHD in women: How the menstrual cycle aggravates symptoms. The Conversation. https://theconversation.com/adhd-in-women-how-the-menstrual-cycle-aggravates-symptoms-215678
Young, S., Adamo, N., & Ásgeirsdóttir, B. B. (2020). Hormonal influences on ADHD symptoms in women. BMC Psychiatry, 20(1), Article 538. https://doi.org/10.1186/s12888-020-02547-8
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