Psychoéducation par webinaire : Procrastination et TDAH sous un nouvel angle

par | 15 Avr 2025 | Formations

La procrastination, ce voleur de temps universel, prend une teinte singulière lorsqu’elle croise le TDAH, comme une danse entre impulsion et paralysie. Le webinaire « La table ronde du TDAH : La procrastination », tenu le 14 avril 2025 de 18h30 à 20h30, a exploré cette dynamique complexe. Ce webinaire, riche en témoignages personnels et en apports théoriques, a permis de croiser les regards sur un sujet à la fois intime et universel. Mais au-delà du contenu, il soulève également des questions sur notre manière actuelle d’aborder la psychoéducation.

Une mosaïque d’expertises

Contenu de l’article

Regards croisés : théorie, vécu et outils

  • Sébastien Henrard , neuropsychologue, a ouvert la discussion avec un éclairage sur les mécanismes cognitifs liés à la procrastination chez les personnes TDAH : biais temporels, recherche de gratification immédiate, sous-activation cérébrale… Il a pris soin de rappeler que ces caractéristiques ne sont pas exclusives au TDAH, mais qu’elles s’y manifestent avec une intensité et une fréquence spécifiques. Son intervention, dense compte tenu du format (10 min), a permis d’introduire un cadre théorique essentiel pour mieux comprendre les enjeux.
  • Sainnah Ben Amer , de son côté, a partagé un témoignage touchant sur son parcours post-burnout, qui l’a menée à son diagnostic. Elle a mis en lumière l’importance d’un soutien à la fois humain et logistique, et la nécessité d’apprendre à respecter son propre rythme de fonctionnement. Son récit a mis en valeur les angles parfois méconnus du vécu TDAH, en particulier dans les interactions avec le monde médical.
  • Cécilia , coach en IFS, a proposé une approche plus introspective. Diagnostiquée TDAH à 27 ans, elle a exploré les liens entre procrastination, perfectionnisme et peurs profondes. Son usage de l’IFS lui a permis de construire un dialogue intérieur plus apaisé, ouvrant une piste de travail intéressante pour les personnes confrontées à des blocages émotionnels.

Qu’est-ce que l’IFS ? L’approche Internal Family Systems considère que notre psyché est constituée de différentes « parts » internes, chacune jouant un rôle protecteur ou portant une blessure. L’objectif est d’apprendre à dialoguer avec ces parts, plutôt que de les rejeter. L’IFS connaît un essor dans les pratiques de coaching et de thérapie, notamment auprès des personnes ayant un TDAH.

  • Mickaël Nardi 🧠 , formateur, a ensuite proposé une méthodologie orientée action : le « second cerveau », un système d’organisation numérique basé sur des outils simples (Todoist, Google Agenda) et des routines hebdomadaires. Il identifie cinq profils d’obstacles à la productivité — du « pompier » à « l’effet popcorn » — dans une grille de lecture accessible et bien adaptée aux réalités du TDAH.
  • Enfin, Raphaëlle, orthopédagogue et également diagnostiquée TDAH, a insisté sur l’importance d’un accompagnement individualisé. À travers son témoignage, elle illustre les bénéfices concrets de la mise en place de routines et de stratégies structurantes. Elle souligne également la différence entre la connaissance théorique et sa réelle intégration dans le quotidien.

L’orthopédagogie, c’est quoi ? Une discipline éducative axée sur les stratégies d’apprentissage, encore naissante en France, inspirée des pratiques québécoises.

  • Micka, animateur de la session, a clôturé le webinaire en présentant le programme d’accompagnement HyperFocus, et notamment le rituel de la weekly review, un outil visant à entretenir une organisation fluide et durable.

HyperFocus , c’est quoi ? Un programme combinant outils numériques, rituels comme la « weekly review » et suivi personnalisé pour structurer le quotidien. Le tarif, adaptable aux besoins de chacun, n’a pas été précisé lors du webinaire (malgré les demandes).


Ce que j’en retiens… avec ma casquette de neuropsychologue

Sébastien a posé un cadre théorique précis et clair, aligné avec les réalités cliniques que je rencontre. Sainnah, par son authenticité, a mis en lumière des écueils fréquents dans les parcours de soins, comme le lien entre TDAH et burnout. Cécilia m’a intrigué avec l’IFS, un concept nouveau pour moi, que je compte confronter à des bases scientifiques. Raphaëlle m’a interrogé sur le rôle des orthopédagogues en France, dont les pratiques frôlent celles des neuropsychologues — un sujet à approfondir. Micka, quant à lui, a proposé des outils accessibles, mais la fin de son intervention, orientée vers la promotion d’HyperFocus, m’a laissé un goût mitigé. Le mystère autour du prix m’a interrogé : une fourchette de tarifs aurait clarifié les choses, surtout pour un public TDAH sensible aux décisions impulsives.

Questions ouvertes : vers une psychoéducation repensée ?

Ce webinaire, stimulant mais parfois frustrant, m’a poussé à m’interroger : que cherchons-nous dans ces formats ? Ils inspirent, informent, mais leur équilibre entre authenticité, rigueur et logique commerciale reste délicat.

  • Diversité des voix : Les témoignages de Sainnah, Cécilia et Raphaëlle, ancrés dans un vécu TDAH, sont précieux, mais un dosage plus marqué de regards cliniques ou sociaux, comme celui de Sébastien, aurait enrichi le débat. La pair-aidance, en plein essor (130 médiateurs santé-pairs formés à l’université en 2025), montre que vécu et expertise peuvent se compléter, à condition de cadres clairs.
  • Rythme et profondeur: Le format condensé limite les échanges. Un rythme plus lent favoriserait l’approfondissement et une meilleure intégration des idées. Néanmoins, le webinaire a déjà duré 2h et le format ne permet pas cet approfondissement.
  • Équilibrer cognitif et émotionnel ? : Sébastien a mis en lumière des altérations comme la dysperception temporelle ou l’inertie exécutive, qui appellent des outils structurés, comme ceux de Raphaëlle ou Micka. Pourtant, Cécilia a souligné l’impact des émotions, comme le perfectionnisme. Les modèles neuropsychologiques du TDAH (ex. Barkley, 1997) insistent sur les fonctions exécutives, mais des travaux récents suggèrent que la régulation émotionnelle joue un rôle clé dans la procrastination. Faut-il prioriser des stratégies pratiques pour pallier les déficits cognitifs, ou mieux intégrer les dimensions affectives pour lever les blocages ?
  • Psychoéducation et singularité : Sébastien a plaidé pour un accompagnement individualisé, adapté à chaque profil. Or, le format ramassé du webinaire peine à refléter la diversité des expériences TDAH, de Sainnah à Cécilia. Selon le modèle biopsychosocial, les manifestations du TDAH varient selon des facteurs cognitifs, émotionnels et environnementaux. Les webinaires, malgré leur vulgarisation réussie, peuvent-ils vraiment répondre à cette complexité sans risquer une approche trop standardisée ?
  • Nuances nécessaires : Le nom « HyperFocus » et certains propos semblaient suggérer un lien TDAH-HPI ou une opposition neurotypiques/TDAH. Ces catégories, utiles parfois, doivent être maniées avec prudence pour ne pas simplifier à outrance.

La pair-aidance en contexte En France, les médiateurs santé-pairs et les Groupes d’Entraide Mutuelle (GEM), financés à 80 % par les ARS, incarnent une entraide structurée. Ces initiatives rappellent que le vécu est une force, mais exige des repères (formation, supervision) pour s’intégrer pleinement.

En somme : un tremplin, pas une destination

Ce webinaire, entre inspiration et frustration, est un point de départ stimulant. Il m’a conforté sur l’importance d’un cadre théorique robuste, comme celui posé par Sébastien, tout en éveillant ma curiosité pour des approches comme l’IFS. Mais il m’a aussi rappelé que la psychoéducation doit rester exigeante, tant dans le fond que dans la forme.

Une question persiste : comment accompagner la singularité du TDAH sans verser dans des clivages ou des solutions toutes faites ? Si ces réflexions vous interpellent, quelles pistes ou expériences souhaiteriez-vous partager ?

Elise N. – Avec MonRFS, le savoir se partage 🤝

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